Gérer l’alcool dans l’entreprise

C’est bientôt l’été, il fait chaud, les gens ont envie de relâcher la pression et la tentation est grande de partager un moment de détente avec vos salariés en organisant une petite fête. Pourtant, est-ce bien prudent ? Souvenez-vous de ce qu’a vécu ce chef d’entreprise qui a été condamné après la survenance d’un accident à la sortie de l’entreprise, suite à un pot au cours duquel une consommation excessive d’alcools avait, semble-t-il, été constatée. Au-delà de cette problématique des pots organisés, les occasions de boire de l’alcool au travail sont nombreuses : pots, repas d’affaires, mais aussi le stress, la pénibilité ou la surcharge de travail sont autant de facteurs qui favorisent la consommation d’alcool.  Alors, si cela vous arrivait, seriez-vous apte à gérer les problèmes d’alcool dans votre entreprise ?

La consommation d’alcool est-elle autorisée sur le lieu de travail ?

 Vrai : La consommation d’alcool au travail est autorisée pour autant qu’elle soit limitée et ne porte pas sur certains alcools.
Pour autant, il vous revient, en tant qu’employeur, de veiller à la sécurité et à la protection de la santé physique et mentale de vos salariés. Cette obligation aura notamment pour conséquences de vous obliger à vous assurer qu’un salarié n’est pas en état d’ivresse dans l’enceinte de l’entreprise ou à l’occasion de son travail.

Seules les boissons à faible teneur en alcool sont autorisées ?

 Vrai : Il est possible d’introduire et de consommer de l’alcool dans l’entreprise, à condition qu’il s’agisse exclusivement de vin, de bière, de cidre ou de poiré (jus de poire fermenté)!
En revanche, vous devez absolument interdire l’introduction et la consommation d’alcool fort comme le whisky, la vodka, ou la téquila, etc. Si vous ne respectez pas l’interdiction d’alcool dans l’entreprise, autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré, vous risquez une amende de 3 750 €, décomptée autant de fois qu’il y a de salariés présents au pot organisé dans l’entreprise.

En cas d’accident d’un salarié alcoolisé, la responsabilité de l’employeur est engagée ?

 Vrai : votre responsabilité civile, voire pénale dans les cas graves, pourra être engagée pour faute inexcusable, si un accident survient alors que le salarié est en état d’ébriété, et qu’il entre directement dans le cadre de l’exécution du contrat de travail (par exemple, accident d’un ouvrier sur machine ou d’un commercial en voiture)
 Parce que votre responsabilité peut être engagée, vous devez prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir et limiter la consommation d’alcool dans l’entreprise : Ce n’est pas parce que certains alcools sont autorisés que vous ne devez pas contrôler, voire restreindre la consommation d’alcool dans l’entreprise. Dans le cas de pots organisés dans l’entreprise, vous devez validez au préalable les boissons prévues et interdire systématiquement les alcools forts, limiter les quantités d’alcool, prévoir systématiquement de quoi manger, et bien sûr, proposer également des boissons non alcoolisées.

Si le règlement intérieur de l’entreprise prévoit l’interdiction absolue de consommer de l’alcool sur le lieu de travail, cela est suffisant pour dégager l’employeur de toute responsabilité ?

Faux vous ne pouvez pas prévoir une interdiction générale et absolue de boissons alcoolisées dans l’enceinte de votre entreprise, puisque la Loi le permet.
Comme l’a souligné et rappelé le juge dans sa décision dans le dossier d’une entreprise de fabrication d’engins de chantier dont le règlement intérieur prévoyait que « la consommation de boissons alcoolisées est interdite dans l’entreprise, y compris dans les cafeterias, au moment des repas et pendant toute autre manifestation organisée en dehors des repas ».
Estimant que cette disposition excède, par son caractère général et absolu, les sujétions qu’un employeur peut imposer, le juge a conclu au retrait de cette interdiction.
En résumé, il est interdit d’interdire plus que la Loi ne le fait elle-même, sauf à justifier de circonstances particulières 
Mais si vous ne pouvez l’interdirevous pouvez néanmoins réglementer l’usage de l’alcool dans l’entreprise, soit dans le cadre du règlement intérieur, soit dans le cadre d’une note de service à destination de l’ensemble du personnel salarié.

L’employeur est-il autorisé à contrôler le taux d’alcoolémie de ses salariés ?

Oui : Vous pouvez introduire dans votre règlement intérieur une clause qui encadre la consommation d’alcool dans l’entreprise et notamment vous pouvez prévoir, le contrôle de l’état d’ébriété d’un salarié, dès lors que, de par la nature de ses fonctions, son état d’ébriété constituerait une menace pour lui-même ou son entourage. Cela suppose cependant qu’il puisse contester le test d’alcoolémie (en demandant une contre-expertise ou en exigeant de passer un second test).

L’employeur peut-il refuser qu’un salarié qu’il estime en état d’ébriété, prenne son poste de travail ?

 Oui : Par principe, il est interdit de laisser entrer ou séjourner dans les lieux de travail des personnes en état d’ivresse. L’employeur qui constate qu’un salarié est en état d’ivresse, doit faire en sorte d’éviter tout incident, tant pour lui que pour les autres.
 Vous ne devez pas laisser un salarié en état d’ivresse travailler, ou le laissez prendre le volant.
Dans la mesure du possible, vous devez le raccompagner chez lui, ou sinon isolez-le dans une pièce à part afin qu’il puisse se reposer et reprendre ses esprits tout en assurant une surveillance, appelez éventuellement un médecin pour une prise en charge, etc.

Un salarié en état d’ébriété dans l’entreprise peut-il être licencié pour faute grave ?

Oui : Si l’alcoolisme en lui-même n’est pas un motif de sanction car il relève de l’état de santé du salarié, en revanche l’ivresse au travail peut constituer une faute grave qui pourra justifier le licenciement, pour autant bien sûr, que la sanction porte sur un comportement fautif du salarié qui découle de son état d’ébriété avec des conséquences négatives sur la sécurité ou l’image de marque de l’entreprise.
 
C’est ce qui est arrivé à une employée de caisse d’un magasin, licenciée pour faute grave pour s’être présentée au travail en état d’ébriété manifestement avancé (elle a du mal à rejoindre son vestiaire, se révèle incapable de tenir son poste, multiplie les erreurs de caisse). Son employeur la licencie, estimant que son comportement influe sur la qualité de son travail et désorganise le fonctionnement de l’entreprise (il met en avant ses antécédents, révélant que ce n’est pas la 1ère fois qu’elle vient fortement alcoolisée au travail et qu’elle commet des erreurs grossières, à tel point que certains clients préfèrent purement et simplement éviter sa caisse). La salariée a contesté le licenciement, mais le juge a confirmé la décision de l’employeur, estimant la faute grave clairement établie, rendant impossible le maintien de la salariée dans l’entreprise.

Guide pratique à télécharger

Pour en savoir plus sur la façon de gérer l’alcool au travail, téléchargez le guide pratique « l’alcool sur les lieux de travail » réalisé sous l’égide de la Direction Régionale du Travail de l’Emploi et de la Formation Professionnelle de Basse-Normandie et de l’Institut Universitaire de Recherche et de Formation en Santé au Travail de Basse-Normandie.

Quelques chiffres

  • 16,4 % des salariés sont concernés par la consommation d’alcool sur le lieu de travail
  •   Le coût de l’alcoolisme au travail représente 1,5 % de la masse salariale des entreprises françaises
  • 10 à 13 000 journées de travail perdues chaque jour en France pour absentéisme en raison d’un problème d’alcool

Sources :

  • Articles R 4228-20 et R 4228-21 du Code du Travail
  • Arrêt du Conseil d’Etat du 12 novembre 2012, n° 349365 (sanction de l’interdiction générale et absolue d’alcool dans l’entreprise)
  • Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 7 mai 2014, n° 13-10985 (salariée en état d’ébriété manifeste
  • baromètre santé INPES 2010 (Institut national de prévention et d’éducation pour la santé)